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Interdiction du vote bloqué lors des séances de niches parlementaires

— PROPOSITION SUR L’ARTICLE 44 —

Rédacteur(s)

BLACHÈR Philippe

Avec la collaboration de :

BALNATH Mohesh, BOISSEAU Diane

Proposition(s)

VIII. La procédure législative

63. Interdiction du vote bloqué lors des niches parlementaires

Révision de l’article 44 pour interdire l’usage du vote bloqué par le Gouvernement dans le cadre d’une niche parlementaire.

1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif

Guy Carcassonne écrivait à son sujet : « L’abus du vote bloqué nuit gravement à la santé ministérielle. Il devient la marque de la brutalité du gouvernement comme de l’aliénation du Parlement. Il n’est pas fréquent. Toutefois, il a reparu et tend à devenir systématique dans les séances, dont l’ordre du jour a été déterminé par l’opposition, ce qui dispense la majorité d’y être présente. C’est tout bonnement honteux. » (La Constitution, seuil, 10 éd., 2011, p.215).

Prévu par l’article 44 alinéa 3, la procédure de vote bloqué permet, à la demande du gouvernement, de forcer l’assemblée saisie à se prononcer par un seul vote sur tout ou partie d’un texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui. 

Si l’on peut contester l’esprit du dispositif, son usage a pu se révéler utile pour lutter contre l’obstruction (on songe à son déclenchement à propos du projet de loi sécurité et liberté en 1980) ou pour accélérer l’adoption (déclenchement au Sénat du vote bloqué par le Ministre du travail sur la réforme des retraites en mars 2023). Les exemples cités par Choë GEYNET-DUSSAUZE (L’obstruction parlementaire sous la V° République, 2020, p.334- 336) – repris d’ailleurs intégralement dans l’ouvrage collectif de commentaire du RAN  (LGDJ, 2022, p.154-155, signé JFK) –  montrent que le gouvernement y recourt avec intérêt au Sénat dans la mesure où il ne dispose pas du 49.3 au sein de cette assemblée. 

Le vote bloqué sur un projet de loi permet à l’exécutif de conserver la main sur son texte. On peut estimer que l’abus de cette procédure est un abus de faiblesse du gouvernement ; mais, on peut également considérer que tant que le gouvernement « détermine et conduit la politique de la nation » (art.20), le vote bloqué contribue à lui donner les outils pour exercer cette fonction constitutionnelle. 

En revanche, l’usage du mécanisme pour court-circuiter les droits de l’opposition n’est pas acceptable. Il l’est d’autant moins lorsque la proposition de loi déposée dans le cadre d’une niche parlementaire s’avère consensuelle :  le déclenchement du 44.3 à propos du calcul de l’allocation adulte handicapé vivant en couple lors de la séance du 17 juin 2021 en est une illustration (pour mémoire, la proposition de loi, issue d’une initiative du groupe Libertés et territoires, avait été adoptée en première lecture le 13 février 2020 par l’Assemblée nationale contre l’avis du gouvernement, puis le 9 mars 2021 par le Sénat. Le groupe (GDR) reprenait à son compte ce texte à l’occasion de sa journée de niche parlementaire. Le gouvernement introduit finalement en commission un amendement pour enlever du texte la « déconjugalisation » de l’AAH et la remplacer par un abattement forfaitaire. Lors de la séance, pour contrer 9 amendements déposés par des groupes d’opposition, le Gouvernement sollicita la réserve de votes puis le vote bloqué). Il revient sur une pratique des années 2009-2012 dénoncée par le président Accoyer en février 2010.

Le vote bloqué n’a pas, en l’espèce, pour finalité de s’assurer que le texte du Gouvernement ne sera pas dénaturé ; il vise tout bonnement à neutraliser l’initiative de l’opposition et à affaiblir les niches parlementaires. 

2. Le remède : la proposition

Afin de sanctuariser les niches parlementaires, il s’agit d’interdire l’usage du vote bloqué lors de ces séances en inscrivant le principe dans l’article 44 alinéa 3.

Article 44

Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique.

Après l’ouverture du débat, le Gouvernement peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission.

Si le Gouvernement le demande, l’Assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.

Article 44

Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique.

Après l’ouverture du débat, le Gouvernement peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission.

Si le Gouvernement le demande, l’Assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. Cette disposition n’est pas applicable à un texte examiné lors de la séance prévue par le cinquième alinéa de l’article 48.