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Extension du champ du référendum législatif

— PROPOSITION SUR L’ARTICLE 11 —

Rédacteur(s)

QUINART Émilien

Proposition(s)

VII. La participation des citoyens

38.A Élargissement du champ référendaire

Révision de l’article 11 afin d’élargir le champ référendaire aux questions de société tout en excluant la matière pénale et fiscale.

VII. La participation des citoyens

38.B Élargissement du champ référendaire

Création d’un article 11-1 consacré au référendum d’initiative partagée, afin de l’extraire de l’ article 11, auquel renvoie l’article 19.

VII. La participation des citoyens

38.C Élargissement du champ référendaire

Révision de l’article 61 pour rendre le contrôle de constitutionnalité obligatoire sur tout projet de loi soumis à référendum.

1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif

Le référendum suscite aujourd’hui de fortes aspirations (en témoignent les récentes propositions de RIP dirigées contre la réforme des retraites). Or, les révisions constitutionnelles du 4 août 1995 et du 23 juillet 2008 n’y ont qu’imparfaitement répondu : depuis 1995, on ne compte qu’un seul référendum – en 2005 – organisé dans le champ de l’article 11 de la Constitution ; aucun référendum depuis 2008. Cette situation résulte en partie de considérations politiques. Elle s’explique certainement aussi par des considérations juridiques. En effet, à ce jour, le champ d’application du référendum législatif de l’article11 de la Constitution paraît trop étroit. Il limite son usage aux projets ou propositions de loi « portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique et sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des pouvoirs publics ». En l’état du droit constitutionnel, le référendum législatif ne pourrait notamment pas être utilisé sur des « questions de société ». Ces questions se posent pourtant avec acuité depuis une dizaine d’années : mariage homosexuel, PMA / GPA, bioéthique, fin de vie, avortement, laïcité, intégration etc.)

De même, l’article 11 exige qu’un projet ou proposition de loi soumis au référendum porte sur des « réformes à la politique économique, sociale ou environnementale ». Ce terme « réformes » n’a pas toute la clarté désirable. Le Conseil constitutionnel interprète cette exigence « comme renvoyant à des projets législatifs d’une certaine ampleur, porteurs de changements importants pour les citoyens appelés à participer à la consultation référendaire, quel que soit le domaine – économique ou social – couvert » (commentaire autorisé de la décision Cons. const., 25 octobre 2022, n°2022-3 RIP). L’article 11 interdit donc que le référendum soit utilisé pour permette la réaffirmation de certains acquis, laquelle n’emporterait par définition aucun changement à l’état du droit positif (décision Cons. const., 14 avril n°2023-4 RIP du 14 avril 2023)[1].

Enfin, s’agissant du référendum d’initiative présidentielle, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou proposition conjointe des deux assemblées, la Constitution ne prévoit aucun mécanisme permettant au Conseil constitutionnel d’assurer le respect par le Président de la République du champ d’application de l’article 11 et plus généralement des autres exigences constitutionnelles. Saisi sur le fondement de l’article 61 de la Constitution, le Conseil refuse de se prononcer sur la constitutionnalité de la loi adoptée par référendum (Cons. const., décision n° 92-313 DC du 23 septembre 1992 [Maastricht III]). La violation du champ du référendum législatif d’initiative présidentielle demeure impunie (Cons. const., décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962), sauf si le Conseil constitutionnel accepte un jour d’opérer ce contrôle à l’occasion du contrôle du décret décidant de soumettre un projet de loi au référendum (Cons. const., décision n° 2005-31 REF du 24 mars 2005, M. Hauchemaille et M. Meyet, cons. 7). Sur ce terrain, l’état du droit constitutionnel n’est pas satisfaisant.

2. Le remède : la proposition

Il est proposé de modifier l’alinéa premier de l’article 11 pour y inclure les « questions de société ». Cette hypothèse avait déjà été envisagée dans le projet de loi constitutionnelle n°2203 pour un renouveau de la vie démocratique en 2019. Cette extension du champ du référendum n’est pas illimitée. Il est prévu d’en exclure la matière pénale qui relève traditionnellement en France de la démocratie représentative.

Afin de permettre aux Français de réaffirmer leur attachement à certains acquis, il est en outre proposé d’abroger la référence aux « réformes » relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation. Ainsi, un référendum n’exigera pas nécessairement qu’un projet ou proposition de loi modifie l’état du droit. Il pourra s’agir d’un projet ou proposition de loi réitératif d’une norme préexistante.

De surcroît, il est proposé d’extraire le RIP de l’article, pour lui consacrer un article spécifique (11-1), afin d’éviter l’incohérence résultant du renvoi de l’article 19 à l’article 11, faisant de la convocation d’un référendum sur le fondement de l’article 11 un pouvoir dispensé de contreseing.

Enfin, sur le modèle de la procédure applicable au RIP, il est proposé d’habiliter le Conseil constitutionnel à contrôler la constitutionnalité du texte soumis à référendum. Il se prononcera – sous forme juridictionnelle – préalablement au scrutin dans les conditions déterminées par une loi organique. Une telle modification était déjà envisagée par le Comité Vedel en 1993 (Rapport au Président de la République, 15 février 1993, p. 80).

3. Les effets escomptés et leur justification

La modification de l’alinéa 1er permettra d’élargir le champ des référendums législatifs, tant d’initiative présidentielle, que d’initiative partagée. On peut espérer ainsi un usage plus accru des référendums d’initiative présidentielle et une recevabilité plus accessible des RIP. Certes, les « questions du société » recouvrent des domaines potentiellement fort larges. Il n’y a cependant pas à craindre que les projets ou propositions de loi soumis à référendum en la matière portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, dès lors que le Conseil constitutionnel s’assure de la constitutionnalité des textes préalablement au scrutin.

L’instauration d’un contrôle de constitutionnalité de tous les projets ou propositions de loi référendaire en matière législative, préalablement au scrutin, entraîne deux effets : – l’impossibilité d’user de l’article 11 pour réviser la Constitution (contrairement aux précédents de 1962 et de 1969) ; – le respect nécessaire par le Président de la République de toutes les exigences constitutionnelles de fond (droits et libertés que la Constitution garantit notamment), de forme et de procédure (session parlementaire) lorsqu’il entend recourir au référendum législatif. Il y a une progression de l’État de droit et un recul du pouvoir discrétionnaire du Président de la République en matière référendaire. Avec le contrôle du Conseil constitutionnel, les détournements de procédure et abus de droit constitutionnel ne seront plus possibles.

[1] Guy Carcassonne l’avait pressenti (La Constitution, 15e éd., 2019, p. 99).

Article 11

Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

 

Lorsque le référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d’un débat.

Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.

Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.

Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum. 

Lorsque la proposition de loi n’est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date du scrutin.

Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition de loi, le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation. 

Article 11

Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des questions de sociétés sauf en matière pénale, sur la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

Lorsque le référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d’un débat.

Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition de loi, le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation.

Nouvel Article

Article 11-1

Un référendum portant sur un objet mentionné à l’article 11 peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.

Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.

Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum. 

Lorsque la proposition de loi n’est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date du scrutin. 

Lorsque le référendum a conclu à l’adoption de la proposition de loi, le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation. 

Article 61, al. 1er

Les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à l’article 11 avant qu’elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

Article 61, al. 1er

Les lois organiques, avant leur promulgation, les projets et propositions de loi mentionnés aux articles 11, 11-1 et 88-5, avant qu’ils ne soient soumis au référendum, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.