International ok

Contrôle du Conseil constitutionnel

— PROPOSITION SUR L’ARTICLE 54 —

Rédacteur(s)

LE BOEUF Romain

RUGGERI Élise

Proposition(s)

XVII. Le traitement constitutionnel du droit international

128. Contrôle préalable du Conseil constitutionnel

Révision de l’article 54 pour réaliser un contrôle de conventionnalité des normes impératives afin d’éviter que la France soit liée dans l’ordre interne par un traité inapplicable au plan international.

1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif

Le contrôle de constitutionnalité des conventions internationales est particulièrement important afin d’éviter des conflits entre les normes supra-législatives. Toutefois, le dispositif actuel est insatisfaisant à plusieurs égards. 

Tout d’abord, il fait dépendre un contrôle de conformité juridique d’une décision politique, si bien que des dispositions conventionnelles manifestement inconstitutionnelles peuvent être acceptées par la République et introduites dans l’ordre interne, pour être ensuite laissées inappliquées par les juges. Cela est préjudiciable à la crédibilité de la République en France et à l’étranger. 

Ensuite, et ainsi qu’il a été relevé, la constitution ne définit pas précisément le périmètre du contrôle, en ne mentionnant ni les annexes ni les éventuelles réserves et déclarations interprétatives, qui peuvent pourtant substantiellement altérer le contenu de la convention. 

Enfin, le contrôle de constitutionnalité est entendu dans un sens strict, qui n’intègre pas la compatibilité des conventions passées par la France avec ses autres obligations internationales. Sans discuter ici de l’opportunité d’un contrôle de conventionnalité par le Conseil constitutionnel, il faut seulement insister ici sur deux enjeux spécifiques.

Premièrement, il existe dans l’ordre juridique international des normes impératives auxquelles il n’est pas permis de déroger par traité (par exemple : génocide, torture, agression…). Sur le plan juridique, que la constitution permette la conclusion d’un tel traité est une anomalie. Sur le plan politique, rien ne saurait justifier que la République puisse vouloir se réserver la possibilité de conclure de tels accords.

Deuxièmement, il peut exister des conflits entre une convention nouvelle et les autres obligations internationales de la République, qui ne peuvent être ignorés.

2. Le remède : la proposition

La proposition prévoit dans son premier alinéa un contrôle a priori systématique pour les conventions internationales. Ce dispositif est cohérent avec la proposition formulée à l’article 53 de rendre systématique l’autorisation parlementaire. Comme pour l’article 53, une loi organique pourrait soustraire à ce contrôle certaines catégories de conventions. 

Le deuxième alinéa explique le périmètre du contrôle, en mentionnant les annexes, réserves et déclarations interprétatives. 

Les alinéas suivants envisagent les conséquences de trois catégories d’incompatibilités. 

Premièrement, le cas de la contrariété de la convention par rapport à la constitution. Le régime actuel ouvrant une phase de révision constitutionnelle est maintenu en l’état. 

Deuxièmement, le cas de la contrariété de la constitution avec des normes impératives du droit international : dans ce cas, le constat d’une incompatibilité doit exclure toute possibilité pour la France de mener à son terme la conclusion du traité. 

Troisièmement, le cas de la contrariété d’un traité avec une obligation antérieure dépourvue de caractère impératif. Ce cas est le plus délicat. La proposition formulée tâche de ménager un équilibre entre, d’une part, une conception trop rigoriste de la légalité et, d’autre part, une indifférence aux risques de discordances entre obligations internationales. Du point de vue international, un traité contraire à une obligation antérieure n’est pas frappé de nullité : l’obligation ancienne et le traité nouveau coexisteront, à charge pour l’État de limiter les contradictions et d’en assumer les conséquences[1]. De sorte que le traité ancien et le traité nouveau sont également valables en droit international. Pour cette raison, il paraît difficile de reconnaître au Conseil constitutionnel le pouvoir d’empêcher la conclusion d’un traité nouveau au seul prétexte qu’il serait incompatible avec un traité ancien. Pour autant, il serait insatisfaisant de laisser sans effet le constat de cette incompatibilité. Pour cette raison, il est proposé que le Conseil renvoie à l’arbitrage du Président de la République, ce qui paraît conforme à l’esprit des institutions République. 

3. Les effets escomptés et leur justification

Le dispositif proposé permet de renforcer la compatibilité entre les obligations de rang supra législatif, en limitant les risques de conflits entre elles, tout en ménageant une certaine souplesse permise par le droit international en ce qui concerne les conflits d’obligations. 

[1] CE, Kandyrine de Brito Paiva, req. n° 303678, 23 décembre 2011.

Article 54

Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l’une ou l’autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution.

Article 54

Les conventions internationales, avant leur conclusion définitive, sont soumises au Conseil constitutionnel par le Président de la République ou le Premier ministre. Une loi organique prévoit les domaines dans lesquels aucun contrôle par le Conseil constitutionnel n’est requis.

Le Conseil se prononce sur le texte de la convention et ses éventuelles annexes, ainsi que sur les réserves et déclarations interprétatives que la République entend formuler.

Si le Conseil constitutionnel déclare que la convention comporte une clause contraire à la Constitution, la conclusion définitive ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution.

Si le Conseil constitutionnel déclare que la convention comporte une clause manifestement contraire aux obligations internationales de la République revêtues d’un caractère impératif, la conclusion ne peut intervenir en aucune circonstance.

Si le Conseil constitutionnel déclare que la convention comporte une clause contraire aux obligations internationales de la République, ou s’il estime qu’une réserve ou déclaration interprétative n’est manifestement pas compatible avec la convention, il en avise le Président de la République, qui peut autoriser la conclusion, la suspendre ou demander au Parlement une nouvelle délibération dans les conditions prévues à l’article 53.