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Autorisation parlementaire de conclure ou dénoncer des conventions

— PROPOSITION SUR L’ARTICLE 53 —

Rédacteur(s)

LE BOEUF Romain

RUGGERI Élise

Proposition(s)

XVII. Le traitement constitutionnel du droit international

127. Conclure et dénoncer les conventions internationales

Révision de l’article 53 pour éviter que certaines conventions internationales soient soustraites au contrôle du Parlement.

1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif

En prévoyant une consultation parlementaire pour certaines catégories seulement de traités, le libellé de l’article 53 confère à l’exécutif un quasi-monopole dans la conclusion des conventions internationales au détriment du Parlement. Ce faisant, les procédures d’approbation ou de ratification des conventions peuvent être perçues comme souffrant d’un déficit démocratique1

Le rôle du Parlement est réduit par nature à cet égard2. Cependant, la Constitution n’assure pas même la sincérité de l’information du parlement (elle ne prévoit ni la transmission des annexes, ni celle des réserves) et limite de façon excessive l’étendue de sa participation à la procédure de conclusion (en ne pouvant contribuer à définir les engagements de la France à travers la technique des réserves). 

De plus, les incertitudes relatives aux diverses catégories mentionnées sont une constante source de griefs entre l’exécutif et le législatif.

L’effet utile de l’implication du Parlement est encore amoindri par la possibilité pour l’exécutif de dénoncer un traité pour lequel le parlement aurait donné son approbation de ratification en vertu de l’article 53 (1) ou (3) ou 11 (1), de la Constitution.

Cet état de fait est d’autant plus problématique qu’en vertu de l’article 55 les traités ont une valeur supralégislative et que le quasi-monopole dont dispose l’exécutif risque de conduire à un contournement de la compétence parlementaire.

[1] Voir partie VII de la circulaire du 30 mai 1997 relative à l’élaboration et à la conclusion des traités internationaux « la formulation des réserves relève de la seule compétence du pouvoir exécutif » ; V. aussi Coulée, Frédérique. « Les engagements internationaux de la France et le jeu des institutions de la Ve République », Droits, vol. 44, no. 2, 2006, pp. 9-24 ; F. Couveinhes Matsumoto, « ‘l’absence’ du parlement dans les procédures conventionnelles françaises : un déficit démocratique pouvant être comblé » in Nathalie Clarenc-Bicudo, Raphaëlle Nollez-Goldbach, Anne-Thida Norodom, Florian Couveinhes Matsumoto (dir.), Pratiques françaises du droit international – Actes de la sixième journée de droit international de l’École normale supérieure, Pédone, 2022, pp. 127-174.
[2] V. « le seul pouvoir reconnu au Parlement en matière de traités et d’accords internationaux par la Constitution est celui d’en autoriser ou d’en refuser la ratification ou l’approbation dans les cas mentionnés à l’article 53 ” (DC 2003-470, considérant 15)

2. Le remède : la proposition

Afin de garantir une meilleure implication du Parlement, il est proposé d’établir à titre de principe l’obligation de consultation parlementaire pour toutes les conventions. Il est toutefois prévu la possibilité que certaines conventions, eu égard à leur nature, puissent échapper à ce contrôle ou faire l’objet d’une procédure adaptée (alinéa 1). 

Le vote parlementaire porte non seulement sur le texte de la Convention mais également sur les annexes et les réserves que l’exécutif entend émettre lors de la conclusion de la convention. Sont également soumises au Parlement les déclarations interprétatives, y compris celles adoptées après l’entrée en vigueur du traité (alinéa 2). 

Il n’a pas été jugé souhaitable de permettre au parlement de proposer lui-même des réserves, afin de limiter les risques de dénaturation du texte[1]. Un équilibre a été trouvé afin que le gouvernement puisse, dans le cadre du débat parlementaire, régler un point clivant par la proposition d’une réserve ou déclaration interprétative (alinéa 3). 

Le dernier alinéa relatif au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est inchangé (alinéa 4.)

3. Les effets escomptés et leur justification

L’implication parlementaire permet de restaurer la confiance de la population dans les engagements internationaux liant la France qui ont des ramifications nombreuses sur la vie des citoyens. Elle permet également de réduire le risque de dénonciation « politique » des traités dont l’initiative est laissée au bon vouloir de l’exécutif, comme l’actualité internationale récente a pu en donner trop d’exemples. Elle garantit enfin que les engagements internationaux de la France soient en adéquation avec l’intérêt général et la représentation nationale.  

Bien qu’elle risque d’allonger la procédure de finalisation des conventions, l’intérêt de l’automaticité de la consultation parlementaire est trop important pour que l’objection emporte la conviction, d’autant qu’il est dorénavant bien admis que les traités peuvent, en cas de procédure complexe, faire l’objet d’une application provisoire en attendant leur conclusion définitive. Les conséquences de ce délai ne doivent donc pas être exagérées.

[1] Une révision du Règlement de l’Assemblée nationale en 2003 a supprimé l’interdiction d’amender les projets de lois autorisant la ratification d’un accord (prévu à l’article 128 du Règlement de l’Assemblée), rendant le dépôt d’amendements possible. Cependant, le Conseil constitutionnel a précisé que cette suppression ne saurait être interprétée « comme accordant aux membres du Parlement compétence pour assortir de réserves, de conditions ou de déclarations interprétatives l’autorisation de ratifier un traité ou d’approuver un accord international non soumis à ratification » Décision du Conseil constitutionnel n° 2003-470 DC du 9 avril 2003.

Article 53

Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi.

Ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés.

Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées.

Article 53

La conclusion définitive et la dénonciation des conventions internationales doivent être autorisées en vertu d’une loi. Une loi peut prévoir les catégories de conventions pour lesquelles aucune autorisation législative n’est requise ou dont la conclusion est soumise à une autre procédure.

Le Parlement se prononce sur le texte de la convention et ses éventuelles annexes, ainsi que les réserves et déclarations interprétatives que la République entend formuler. 

Le Gouvernement peut, lors des débats, ajouter, modifier ou retirer Toute réserve ou déclarations interprétatives. 

Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées.