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Compétence du législateur en matière de protection des animaux contre la maltraitance

— PROPOSITION SUR L’ARTICLE 34 —

Rédacteur(s)

TÜRK Pauline

Proposition(s)

XII. Les droits fondamentaux

98. Protéger les animaux contre la maltraitance

Révision de l’article 34 pour prévoir que la loi fixe les règles concernant la protection des animaux contre la maltraitance.

1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif

La Constitution française assure une protection de l’environnement à l’article 34 (via la compétence du législateur pour fixer les règles relatives à la préservation de l’environnement), et sur le fondement des dispositions de la Charte de l’environnement.

Elle ne prévoit en revanche aucune disposition relative à la protection de l’animal. 

Les chiffres sont accablants. + 30 % chaque année de sévices graves et actes de cruauté sur les animaux. L’industrialisation de l’agro-élevage a des effets notoirement délétères, autant sur le bien-être animal que d’ailleurs sur la santé humaine. 96 % des porcs et 84 % des volailles subissent les conditions de l’élevage intensif avant leur mise à mort. Les animaux sauvages disparaissent. La France se démarque par la défense de la chasse à la glu (méthode non sélective et particulièrement cruelle), des méthodes de « chasse sous terre » particulièrement cruelles ou encore de la chasse à courre.

Ce sujet est celui qui mobilise le plus de pétitionnaires sur les deux plateformes e-pétition du Sénat et de l’Assemblée nationale. Il est désormais pleinement intégré aux programmes politiques. Un parti politique spécifiquement dédié à la cause parvient même à présenter des candidats aux élections nationales et locales, avec quelques percées locales significatives.

De nombreuses constitutions, sur tous les continents, assurent une protection de l’animal.

Pour des exemples de Constitutions nationales :

ItalieConstitution article 9 (révisé le 8 février 2022) : « La République protège l’environnement, la biodiversité et les écosystèmes, également dans l’intérêt des générations futures. La loi de l’État réglemente les méthodes et les formes de protection des animaux ».
Allemagne

Article 20a LFA  [Protection des fondements naturels de la vie et des animaux]

« Assumant ainsi également sa responsabilité pour les générations futures, l’État protège les fondements naturels de la vie et les animaux par l’exercice du pouvoir législatif, dans le cadre de l’ordre constitutionnel, et des pouvoirs exécutif et judiciaire, dans les conditions fixées par la loi et le droit ».

Article 74 LFA :  la protection des animaux relève de la compétence concurrente de la fédération et des Lander.

Autriche

Loi constitutionnelle fédérale autrichienne du 23 mai 2013 sur le développement durable et le bien-être des animaux :

§ 2 : « La République d’Autriche (autorités fédérales, provinciales et municipales) s’engage à la protection des animaux »

LuxembourgArticle 11 bis : « L’État garantit la protection de l’environnement humain et naturel, en œuvrant à l’établissement d’un équilibre durable entre la conservation de la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et la satisfaction des besoins des générations présentes et futures. Il promeut la protection et le bien-être des animaux ».
SuisseArticle 120 de la Constitution: « La Confédération édicte des prescriptions sur l’utilisation du patrimoine germinal et génétique d’animaux, de plantes et d’autres organismes.  Ce faisant, elle tient compte de la dignité de la créature et de la sécurité de l’homme, de l’animal et de l’environnement »
Brésil

Art. 225 de la Constitution

« Il appartient aux pouvoirs publics de protéger la faune ; dans les conditions prévues par la loi, sont interdites les pratiques qui exposent leurs fonctions écologiques à des risques, provoquent l’extinction des espèces ou soumettent les animaux à des actes de cruauté ».

Bolivie (…) To preserve, conserve and contribute to the protection of the environment and natural resources, wild fauna and domestic animals.
ÉgypteArticle 45 de la Constitution (15 janvier 2014) :  « L’État s’engage à la protection et au développement des espaces verts dans les zones urbaines ; les ressources botaniques, animalières et halieutiques ; la protection des espèces en voie de disparition ; et la prévention de la cruauté envers les animaux.

Exemples Entités fédérées :

FlorideSection 21 de l’article 10 de la Constitution: interdit  l’utilisation des stands de gestation (pour les truies)
MexicoConstitution Etat : Article 13 al. 1er « La Constitution reconnait les animaux comme des sentients et devant, par conséquent, bénéficier d’un traitement décent. Dans la cité de Mexico, toute personne est soumise à un devoir éthique et une obligation juridique de respecter la vie et l’intégrité des animaux ; ainsi, de par leur nature, ils sont sujets de considération morale. Leur protection constitue une responsabilité commune ».

Avec ou sans textes fondamentaux de référence, de nombreuses cours constitutionnelles, surtout en Amérique latine il est vrai, assurent une protection de l’animal.

Cour suprême du Costa Rica (CS sentences n° 1993-3705 et n° 1995-5893, sentence n° 2012-4620, 21 septembre 2016 : la Cour reconnait une interdiction constitutionnelle de maltraitance des animaux

« Le droit à l’environnement protège toutes les ressources naturelles de la Terre », notamment l’air, l’eau, la terre, la flore et les animaux (faune sauvage, animaux domestiques) et recouvre toutes les formes de relation que l’homme entretient avec son environnement naturel.

Cour constitutionnelle de Colombie (sentences n° C-666-10, C-083-14 et C- 095-16) : obligation de protection de l’animal appuyée sur le droit à la protection de l’environnement

Cour constitutionnelle équatorienne avril 2022 : « les animaux sauvages possèdent des droits d’exister, de développer leurs instincts innés, et d’être à l’abri de la cruauté, de la peur et de la détresse disproportionnées (…)Le droit au libre développement de leur comportement animal inclut la garantie de ne pas être domestiqué  et de ne pas être forcé d’assimiler des caractéristiques ou des apparences humaines ».

Or, en France, la constitution et la jurisprudence constitutionnelle ne font aucune mention de cette préoccupation importante au sein de la société, qui détermine les conditions de vie de l’homme dans son environnement, et met en jeu aussi, à certains égards, sa dignité.

2. Le remède : la proposition

« On peut juger de la grandeur d’une nation et ses progrès moraux par la façon dont elle traite les animaux » (Gandhi)

Il s’agit d’inscrire la France parmi les pays qui promeuvent le respect de l’animal (dont le code civil reconnait désormais qu’il est un être sensible).

Cela est une revendication assez prégnante dans la société. L’importance croissante accordée au bien-être animal se vérifie dans le développement du secteur associatif ou dans l’essor des DU de droit animalier qui attirent un nombre croissant d’étudiants.

La protection de l’animal reste très faible en France, au regard des lois existantes, des sanctions prévues pour les cas de maltraitance, ou encore des exigences applicables dans l’agro-industrie, même si des standards plus élevés sont progressivement imposés à l’échelle européenne.

Une disposition spécifique à l’article 34 serait certainement un encouragement à prendre en compte davantage cette préoccupation à l’échelle législative. 

La proposition s’inspire d’autres constitutions, telle la Constitution de Slovénie selon laquelle : « la protection des animaux contre la cruauté est réglementée par la loi » (art 72 al 4).

3. Les effets escomptés et leur justification

Il s’agit en France d’ajouter un alinéa à l’article 34 faisant expressément du législateur le garant de la protection animale, dans le cadre d’une conciliation entre le principe de l’exploitation (qui n’est pas, dans le cadre ici proposé, remis en cause), et ses modalités, intolérables en l’état actuel.

Parmi plusieurs formulations possibles, une formule a minima (bien moins ambitieuses que dans certaines constitutions étrangères précitées), visant à évitant les crispations et procès d’intention, est proposée.

Elle vise la compétence du législateur pour organiser « La protection des animaux contre les différentes formes de maltraitance ».

Personne n’est « pour » la maltraitance.

Cette formulation ne devrait pas accentuer les crispations sur ces sujets sensibles.

Il ne s’agit pas ici de consacrer à l’article 1er un objectif de protection de l’animal qui serait un chiffon rouge pour les lobbys divers. Il ne s’agit pas ici d’une attaque contre les partisans de la chasse ou contre l’industrie de la viande.

Il s’agit simplement de promouvoir des modalités de traitement des animaux (abattus, exploité, chassés ou expérimentés) plus dignes, sans torture ou cruauté lorsqu’elle peut être évitée, grâce à des modèles d’exploitation plus respectueux du bien-être et de la sensibilité des êtres vivants dont il s’agit.

Article 34

Article 34

La loi fixe les règles concernant :

  • la protection des animaux contre la maltraitance ;

Le reste sans changement