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Rôle politique du Président de la République

— PROPOSITION SUR LES ARTICLES 5, 20 ET 18 —

Clarifier le rôle politique du Président de la République

Rédacteur(s)

DEROSIER Jean-Philippe

Proposition(s)

II. Les missions du Président de la République

8.A Clarifier le rôle politique du Président de la République

Révision de l’article 5 pour y inscrire que le Président de la République définit la politique nationale en collaboration avec le Premier ministre.

II. Les missions du Président de la République

8.B Clarifier le rôle politique du Président de la République

Révision de l’article 20 pour y inscrire que la politique nationale est seulement conduite par le Gouvernement.

II. Les missions du Président de la République

9.A Le Président de la République au Congrès

Révision de l’article 18 pour rendre obligatoire la présence du Président de la République au Congrès au moins une fois par an.

II. Les missions du Président de la République

9.B Le Président de la République au Congrès

Révision de l’article 18 pour permettre que le discours du Président de la République au Congrès puisse donner lieu à un débat en sa présence.

1.  Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif

La place du Président de la République de la Ve République a toujours été singulière, car tel était l’objectif même de la nouvelle Constitution, en 1958, confirmé en 1962. Cette singularité s’est installée dans la pratique, dès l’élection du premier successeur du Général de Gaulle, Georges Pompidou et de tous les Présidents qui viendront après lui.

Il en résulte que la légitimité acquise du chef de l’État par son élection directe, couplée à la pratique de cette élection qui veut que les citoyens élisent non un chef institutionnel mais bien un chef politique, sur la base d’un programme politique, font du Président de la République bien plus que l’arbitre institutionnel qui est identifié à l’art. 5 de la Constitution, mais un chef qui définit la politique nationale. Ce décalage entre la lettre de la Constitution est la pratique institutionnelle est souvent dénoncée, alors qu’il ne s’agit pas tant d’une pratique contraire à la Constitution que d’une Constitution qui a mal ou insuffisamment retranscrit la pratique attendue.

2. Le remède : la proposition

En 2007, le « Comité Balladur » avait suggéré une modification des articles 5 et 20 de la Constitution, afin de préciser que le Président de la République « définit la politique de la Nation » (article 5), tandis que le Gouvernement « conduit la politique de la Nation » (article 20), sans plus la déterminer1. La motivation était simple : c’est ce qui se passe effectivement en pratique et, plutôt que de renoncer à une pratique pas exactement conforme à la lettre de la Constitution, ce qui aurait été vain, autant aligner la lettre de la Constitution sur cette pratique conforme à ce qu’attend le peuple, depuis que le régime de la Ve République a été mis en place et que chaque Président a suivie, à sa manière.

Cette proposition ne fut pas intégrée dans la révision, pour deux raisons principales : d’une part, elle semblait soulever une difficulté en cas de cohabitation et, d’autre part, elle paraissait renforcer le pouvoir présidentiel alors que l’objet de la réforme était de renforcer celui du Parlement. À vrai dire, à peine quelques mots de plus auraient permis de répondre à ces deux critiques.

En ajoutant que le Président définit la politique de la Nation « en collaboration avec le Premier ministre », la difficulté d’une éventuelle cohabitation (moins probable désormais, mais toujours possible) aurait été résolue. De surcroît, cette formule aurait renforcé le pouvoir primo-ministériel et, à travers lui, le pouvoir parlementaire sur lequel doit s’appuyer le Premier ministre, ainsi que la responsabilité de l’Exécutif.

En période de concordance des majorités, la politique conduite par le Gouvernement est celle fixée par le Président, issue de son programme électoral et confirmé par les élections législatives, donc par la majorité à l’Assemblée nationale. Pour fixer – ou « définir » – cette politique, le Président doit s’appuyer sur son Premier ministre car il lui faut connaître la faisabilité des réformes, à partir de la disponibilité des membres du Gouvernement, dont le Premier ministre coordonne l’action, et au regard de l’état des forces de l’Assemblée et de la majorité, dont il est formellement le chef. La collaboration avec le Premier ministre est donc de fait : autant qu’elle devienne de droit.

En période de cohabitation, cette formule permet au Premier ministre de dicter au Président la politique qu’il est supposé définir, à l’instar de ce que fait le Premier ministre britannique au Roi d’Angleterre, lorsque ce dernier doit faire le « Discours du trône ».

Dans le prolongement de cette réforme envisagée, l’article 18 de la Constitution a été amendé, afin de permettre au Président de la République de s’adresser au Parlement non plus seulement par voie de message, mais également face aux parlementaires, réunis à cet effet en Congrès. Si le premier volet (la réécriture des articles 5 et 20) a été abandonné, le second a bien été intégré et, depuis 2008, un Président de la République s’est adressé à quatre reprises aux parlementaires réunis en Congrès.

Cependant, telle qu’elle a été effectuée, la réforme de 2008 s’arrête à mi-chemin, car elle n’autorise rien d’autre qu’un discours solennel, qui n’a de raison d’être qu’en de très rares occasions, telle celle qui justifie le discours du Président Hollande, au lendemain des attentats du 13 novembre 2015.

Au contraire, une telle faculté serait bien davantage justifiée si elle avait une véritable dimension politique. Emmanuel Macron a été désireux de la lui conférer, en s’engageant à venir chaque année devant le Congrès. Mais il ne le fit que deux fois, en 2017 et en 2018. La crise des gilets jaunes, en 2019, puis la crise sanitaire, en 2020, ont eu raison de sa motivation.

Pour que cette dimension politique soit confirmée et pérennisée, il serait judicieux que le discours présidentiel ne soit pas seulement une faculté, mais bien une obligation, à l’instar du discours sur l’état de l’Union prévu par la Constitution des États-Unis2, afin que le Président de la République vienne exposer la politique qu’il est chargé de définir, conformément à la réécriture de l’article 5, à l’ouverture de la session ordinaire. Un tel exposé doit également permettre aux parlementaires de s’exprimer et au Président de leur répondre : il doit donc donner lieu à un débat, en la présence du concerné – ce que l’article 18 de la Constitution interdit en l’état, au motif que le Président ne serait pas politiquement responsable.

Bien que cette dernière considération soit partiellement fausse, car il est responsable devant le peuple et que les parlementaires représentent le peuple, le fait qu’elle soit partiellement vraie – car sa responsabilité ne peut être engagée autrement que par la voie de la destitution – n’interdit pas qu’un débat ait lieu : l’impossibilité d’une censure n’interdit pas d’interpeller.

3.  Les effets escomptés et leur justification

Au-delà de la clarification de la pratique institutionnelle telle qu’elle existe depuis 1958, cette réforme renforcera le Parlement et, à travers lui, le Premier ministre, ainsi que la responsabilité de l’Exécutif.

Le discours du Président de la République devant le Parlement à l’ouverture de la session ordinaire confirmera, dans un instant solennel, le rôle indispensable du second dont le premier a besoin, actant l’interaction entre l’Exécutif et le Législatif. En effet, les parlementaires disposant alors du droit d’interpeller le chef de l’État, lors du débat prolongeant son discours, ils rappelleront la nécessité de s’appuyer sur les parlementaires pour adopter la moindre réforme, tandis que le Président sera contraint de prendre en compte l’hétérogénéité de la représentation nationale. De surcroît, le Président s’adressera tant aux députés qu’aux sénateurs, les seconds étant généralement moins enclins à le soutenir que les premiers.

Par ailleurs, la collaboration entre Président de la République et Premier ministre est permanente et nécessaire : l’inscrire dans la Constitution conforte ainsi le rôle du chef du Gouvernement, sans lequel le chef de l’État ne peut agir. Et si le Président ne devait en faire qu’à sa guise, asseyant son autorité au-delà de celle du Premier ministre – et avec la bénédiction de ce dernier –, cet instant d’échange permettrait aux parlementaires de rappeler que, sans eux, le chef de l’État, tout Président de la République qu’il soit, ne peut rien : la publicité et la solennité du débat seront une indication pour les Français, qui seuls trancheront en dernier lieu.

Par conséquent, au-delà d’un renforcement du Parlement, par le débat avec le Président qui lui est offert, que Premier ministre, par la collaboration chef de l’État et chef du Gouvernement qui est officialisée, c’est encore la responsabilité qui est consolidée. Certes, le Président n’est responsable que devant le peuple, mais les parlementaires l’interpellent lors d’un débat politique permettra aux citoyens d’être mieux éclairés, donc de mieux forger leur opinion.

[1] Une Ve République plus démocratique, Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, propositions 1 et 2.
[2]  Article II, Section 3 de la Constitution des États-Unis d’Amérique.

Article 5

Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.
Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.

Article 5

Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il définit la politique nationale, en collaboration avec le Premier ministre.
Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.

Article 18

Le Président de la République communique avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu’il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat. Il peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote. Hors session, les assemblées parlementaires sont réunies spécialement à cet effet.

Article 18

Le Président de la République communique avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu’il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat.

Il peut prend la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès, au moins une fois au début de la session ordinaire. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote.

Hors session, les assemblées parlementaires sont réunies spécialement à cet effet.

Article 20

Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50.

Article 20

Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation.
Il dispose de l’administration et de la force armée.Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50.