Urne ok

Immunités pénales durant l’élection présidentielle

— PROPOSITION SUR L’ARTICLE 7 —

Rédacteur(s)

MATHIEU Bertrand

PEYROUX-SISSOKO Marie-Odile

Proposition(s)

IV. Les règles électorales

29. Immunités pénales pendant l’élection présidentielle

Révision de l’article 7 pour éviter la mise en examen d’un candidat à l’élection présidentielle.

Exposé des motifs :

Les poursuites engagées contre François Fillon lors des élections présidentielles de 2017 ont incontestablement eu une incidence sur le résultat des élections. 

Les poursuites ont été engagées par le parquet national financier dans des conditions qui ont fait l’objet de critiques.

Indépendamment de toute appréciation sur cette affaire, tant en ce qui concerne le fond que la procédure, il n’en reste pas moins que n’importe quel magistrat chargé de l’instruction peut mettre en examen un candidat à l’élection présidentielle et ainsi influer sur le déroulement de la campagne. De même qu’un membre du parquet peut déposer ses réquisitions durant la même période avec des effets similaires. 

La proposition ci-après vise à garantir le respect de plusieurs principes. En premier lieu, il s’agit d’assurer le respect du principe de séparation des pouvoirs, en interdisant au juge pénal d’intervenir directement dans un processus électoral, dont seul le Peuple décide de l’issue. En deuxième lieu, il s’agit de faire respecter la présomption d’innocence dans une période où toutes les manœuvres sont possibles. Enfin, il s’agit d’assurer l’égalité entre les candidats lesquels ne bénéficient d’aucune immunité, même temporaire, contrairement au président-candidat placé, quant à lui, à l’abri de toute intervention judiciaire.

Cette question n’est pas nouvelle. Comme l’a relevé Romain Rambaud, sous la III République, une trêve judiciaire était admise pour l’ensemble des élections. Le droit électoral actuel garde des traces de ce principe.

L’article L. 110 du code électoral dispose que « Aucune poursuite contre un candidat, en vertu des articles L. 106 et L. 108, ne pourra être exercée, aucune citation directe à un fonctionnaire ne pourra être donnée en vertu de l’article L. 115 avant la proclamation du scrutin ». Il s’agit certes d’une disposition qui ne vise que certaines manœuvres durant l’élection, mais elle traduit l’idée selon laquelle le juge pénal n’est pas juge de l’élection. 

On relèvera par ailleurs qu’en 2008, à l’occasion des élections municipales à Paris, le procureur de la République avait invoqué « une tradition républicaine qui voudrait qu’on ne prenne pas de décision de justice en période électorale pour ne pas influer sur le vote ». 

La rédaction proposée inscrit cette interdiction à l’article 7 de la Constitution. On pourrait discuter de son élargissement à d’autres élections, mais cela ne nous parait pas nécessairement opportun, même si la question pourrait se poser. 

Le délai pendant lequel l’action de la justice pénale est suspendue reprend les règles de l’article 7 relatif à l’empêchement d’un candidat (30 jours). C’est, dans les deux cas, du principe démocratique dont il s’agit, mis en œuvre par le respect des principes de la sincérité et de la liberté du scrutin.

Ce délai de 30 jours peut paraître un peu court, les candidats n’attendant généralement pas le mois avant le premier tour de scrutin pour faire acte de candidature et commencer leur campagne. Pour qu’ils soient mieux protégés, un autre délai peut aussi être envisagé, permettant de couvrir la période de la campagne électorale. Il s’agirait alors de reconnaître l’immunité à la date d’ouverture du recueil officiel des signatures. Un tel point de départ reposerait sur un critère objectif, plaçant les candidats potentiels dans une situation d’égalité, et ouvrirait une période d’une durée qui peut être considérée comme n’étant pas excessive (10 semaines). Il aurait toutefois l’inconvénient de conduire à faire bénéficier de cette immunité des candidats potentiels, susceptibles de profiter de cette opportunité, la liste officielle des personnes autorisées à se présenter à l’élection n’étant pas encore établie. Le candidat n’ayant pas rempli les conditions pour se présenter à l’élection perdrait cependant son immunité dès lors que la liste des personnes autorisées à se présenter aura été publiée par le Conseil constitutionnel. La question mérite de faire l’objet d’un débat.

Concernant le champ d’application de l’immunité, il nous a semblé nécessaire d’exclure le flagrant délit et les actions en matière criminelle. Le premier cas excluant les manœuvres. Quant aux actions criminelles, leur gravité implique de ne pas suspendre l’action de la justice et il est plus difficile d’accuser un candidat de crime pour influer le résultat de l’élection. Enfin s’agissant de la fin de l’immunité, la formule proposée reprend les termes de l’article 67.

Cette impunité est formulée en termes généraux et objectifs, et elle intervient, dans la formulation retenue, pendant une durée courte, sauf dans le cas où le candidat serait élu président, mais ce sont alors les règles générales de l’article 67 qui s’appliquent. Par ailleurs, il est évident que les délais de forclusion et de prescription doivent être suspendus. 

Dans ces conditions aucune procédure de recours n’est nécessaire. Le système est « rudimentaire » mais opérationnel. 

Article 7

Article 7

Article inchangé. Ajout d’un alinéa :

Aucun acte d’instruction ou de poursuite, sauf en cas de flagrant délit ou en matière criminelle, ne pourra être exercé contre une personne qui, moins de trente jours avant la date du premier tour de l’élection présidentielle, a annoncé publiquement sa décision d’être candidate. Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre elle à l’issue des opérations électorales. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.