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Septennat non renouvelable

— PROPOSITION SUR L’ARTICLE 6 —

Établissement du septennat non renouvelable

Rédacteur(s)

BLACHÈR Philippe

Avec la collaboration de :

BALNATH Mohesh, BOISSEAU Diane

Proposition(s)

IV. Les règles électorales

17.A Septennat non renouvelable

Révision de l’article 6 pour remplacer le quinquennat présidentiel en un septennat.

IV. Les règles électorales

17.B Septennat non renouvelable

Révision de l’article 6 pour prévoir que le mandat présidentiel est non renouvelable (mandat unique).

1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif

Les États membres de l’Union européenne accordent une place plus ou moins importante à la participation à l’Union dans leur texte constitutionnel. Certains n’en font d’ailleurs pas mention (par exemple, la Constitution du Luxembourg), ou ne distinguent pas la participation à l’Union par rapport aux autres obligations internationales (Constitution de la Pologne, Constitution des Pays-Bas), alors que d’autres affichent un attachement clair à l’intégration européenne (Constitution de l’Allemagne), en faisant référence aux implications institutionnelles de l’appartenance de l’État à l’Union dans différents endroits du texte (Constitution de la Finlande, Constitution du Portugal) ou dans un article spécifiquement dédié (Constitution de la Roumanie). En lui consacrant un titre à part entière, la Constitution française fait partie des textes fondamentaux accordant une place considérable à l’Union européenne.  

Ce travail de comparaison des ancrages constitutionnels de l’Union européenne présente plusieurs intérêts. Il est toujours instructif, sans doute, de relever à quel rang, quel numéro d’article se loge les dispositions relatives à l’Union européenne. Cela suppose que l’on accorde une importance, symbolique ou non d’ailleurs, à cette localisation. Ainsi, peut-on tirer arguments selon lequel l’importance accordée à l’Union européenne dans la Loi Fondamentale allemande qui relève de son titre II juste après l’énonciation des droits fondamentaux et la nature fédérale de la République est plus grande que celle accordée par la Lituanie qui aborde l’UE dans les ultimes dispositions de sa Constitution. De même, dans l’hypothèse où cela est indiqué, ce qui est souvent le cas, l’intitulé du titre (ou du chapitre…) consacré à l’Union européenne peut constituer un indicateur d’intensité formelle de cet intérêt. L’intitulé de notre titre XV a une signification plus marquée, à dire vrai limpide, si on le compare à la Constitution belge où aucun titre spécifique n’existe au sujet de l’Union européenne, hormis une simple référence aux élections au Parlement européen, synchronisées d’ailleurs avec les élections législatives belges, qui figure dans le titre IV intitulé « Des relations internationales ». Enfin, et peut-être surtout, l’étude comparative des articles des différentes Constitutions peut être fort instructive selon qu’ils énoncent la nature de l’Union européenne (notre article 88-1 par ex.), l’implication de l’État dans le fonctionnement de l’Union (article 23 de la LF allemande) ou ne disent rien de cela (art. 32 de la Constitution Belge ou 150 de la Constitution lituanienne). 

Dès lors, même si cet exercice de comparaison connaît ses limites (quoi de comparable entre l’Allemagne Fédérale et la Croatie ou encore Chypre au regard de la nature juridique de ces États, de leur régime politique et de leur liens avec la construction européenne…), il n’en demeure pas moins, au regard de notre titre XV qui arrive après les dispositions transitoires sur la Nouvelle-Calédonie et après celles relatives à la francophonie notamment, que l’on pourra valablement s’interroger sur la localisation de celui-ci dans notre Constitution, sa structuration interne, sa cohérence également interne, le contenu matériel de tel ou tel article de ce titre.  

À ce propos, rappelons que c’est à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité du traité de Maastricht par le Conseil constitutionnel le 9 avril 1992 qu’a été introduit par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 le Titre XIV (qui deviendra le titre XV) intitulé à l’époque Des Communautés et de l’Union européennes. Ce titre était constitué des articles 88-1 à 88-4. Les révisions constitutionnelles du 25 janvier 1999 (traité d’Amsterdam), du 1er mars 2005 (une révision pour rien devant anticiper la ratification du Traité établissant une Constitution pour l’Europe) et du 4 février 2008 (traité de Lisbonne), pour ne s’en tenir qu’à celles-ci, n’ont en rien modifié la structure générale de ce titre et ses fonctions. En clair, ce titre est le fruit d’une logique de sédimentation, de révisions cumulatives liées aux révisions successives du droit primaire de l’Union (TUE et TFUE à partir du 1er décembre 2009). À chaque déclaration d’inconstitutionnalité, les révisions de ce titre ont joué afin de « purger » les inconstitutionnalités révélées par le Conseil, réceptionner des procédures nouvelles prévues par les traités entre autres… 

Enfin, et cette remarque peut avoir son intérêt, on rappellera que le titre XV est un assemblage de dispositions qui ont des fonctions bien distinctes. Il est envisageable de les regrouper en trois catégories. 

La première catégorie est constituée d’un seul article ; le 88-1. C’est une disposition principielle. À bien y regarder, cet article qui fut rédiger par Alain Lamassoure en 1992, indique que la République en tant que membre de l’Union européenne, participe à celle-ci, sous-entendu son fonctionnement, en plus de nous livrer une véritable qualification juridique « française ». Celle-ci, l’Union européenne, est en effet « constituée d’États qui ont librement décider d’exercer en commun… ». Certains auteurs, non sans raison, y ont vu une référence à une ancienne catégorie du droit international public : l’Union d’États. Cet article, on le sait, a servi de fondement juridique exclusifs à nos juridictions suprêmes afin de régler les différents contrôles qu’ils exercent impliquant le droit primaire ou dérivé, y inclus la Charte. Les décisions du Conseil constitutionnel du 10 juillet 2004 (directive Société de l’information) et surtout du 19 novembre 2004 (TECE) l’illustrent très bien. Ce faisant, l’article 88-1 est substitué à l’article 55 et surtout est devenu le fondement constitutionnel du déploiement du droit de l’Union dans notre ordre. Transposer une directive ou appliquer un règlement, en effet, est désormais une obligation constitutionnelle à la condition expresse que l’identité constitutionnelle de la France ne soit pas affectée. Le sujet est connu.

La deuxième catégorie est constituée de dispositions substantielles ou matérielles. Cela concerne les articles 88-2 (mandat d’arrêt européen) ; 88-3 (droit de vote et d’éligibilité des citoyens européens aux élections municipales).

La dernière catégorie peut être qualifiée de procédurale ou fonctionnelle. Il s’agit des articles 88-4 à 88-7. C’est l’ensemble des règles de procédure permettant à l’assemblée nationale et/ou au Sénat de participer à l’élaboration du droit dérivé, à la révision simplifiée de la troisième partie du TFUE, à l’adhésion d’un nouvel État, à la contestation contentieuse devant la CJUE des actes de droit dérivé dont les chambres estiment qu’ils contreviennent au principe de subsidiarité. À l’intérieur de cette dernière catégorie, il serait encore possible de sous-distinguer. On notera au passage que la cohérence de cette succession d’articles, sur un plan logico-formel, reste discutable. 

À ce stade, ces quelques rappels pour utiles, qu’ils soient, permettent de conclure qu’en l’état, le titre XV vaut et fait système. La systématique de ce titre qui se déduit des articles que l’on sait renseigne sur l’intention du constituant bien entendu mais permet aussi de penser en droit et fonder en droit dans une même rubrique tout le droit de l’Union. Il s’agit d’un sous-système constitutionnel fonctionnellement européen. Dans une autre visée, si l’idée était de « désystématiser » ce titre (peu importe sa localisation pour le moment), et avec des motifs juridiques solides, cela voudrait aussi signifier que la classification retenues des articles que l’on sait pourrait permettre, par exemple, de rattacher certains d’entre eux à d’autres dispositions de la Constitution : le mandat d’arrêt européen à l’article 34, le droit de vote et d’éligibilité des citoyens européens très haut dans notre texte à l’article 3.

Au regard de ce qui précède, et toutefois, il n’y a pas à proprement parler de critique négative à adresser à la Constitution actuelle et aucun dysfonctionnement majeur n’est à déplorer. Néanmoins, des améliorations du texte peuvent être envisagées pour clarifier les modalités de participation de la France à l’Union et le rôle que les institutions françaises tiennent dans ce cadre. Sans être qualifiées de « lacunes » du droit positif, les dispositions actuelles pourraient ainsi être amendées pour gagner en clarté et en efficience. 

Il est notamment fait mention de la participation de la France à l’Union européenne en vertu des traités constitutifs dans leur version résultant du traité de Lisbonne. Cette mention expresse du traité de Lisbonne conduirait inéluctablement à une révision constitutionnelle en cas de révision des traités sur l’Union européenne, comme ce fut d’ailleurs le cas par le passé, pour actualiser la référence aux traités en vigueur. Il pourrait être fait l’économie d’une mobilisation du pouvoir constituant pour une modification aussi mineure et formelle de la Constitution par une réécriture de la disposition. 

Dans une dimension plus symbolique, il peut également être noté que le titre XV apparaît en fin de Constitution, alors que son sujet – l’Union européenne – a des incidences institutionnelles d’envergure. Il y a sans doute matière à améliorer la présentation actuelle. 

Enfin, le titre XV contient des éléments relatifs aux prérogatives du Parlement dans la conduite des affaires européennes, qui résultent en grande partie des dispositions prévues par les traités constitutifs de l’Union et qui ne sont que repris par la Constitution. Par exemple, le rôle du Parlement en matière de contrôle du principe de subsidiarité pour les actes législatifs de l’Union n’est qu’une intégration en droit interne de dispositions résultant du Protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au traité de Lisbonne. Pourtant, il est sans doute nécessaire d’impliquer davantage le Parlement dans la conduite des affaires européennes, en agissant sur deux points : améliorer le contrôle du Parlement sur l’action du pouvoir exécutif en matière européenne ; et renforcer son implication dans le processus décisionnel de l’Union en renforçant son contrôle des actes adoptés par les institutions de l’Union. 

2. Le remède : la proposition

Afin de parvenir à l’objectif d’amélioration et de clarification des modalités de participation de la France à l’Union européenne, la proposition consiste à rénover l’existant sans opérer de profonds bouleversements du texte constitutionnel. Ainsi, l’existence d’un titre spécifiquement consacré à l’Union européenne est conservée, moyennant une reformulation de son intitulé et une apparition plus en amont de la Constitution (idéalement en titre II après le titre sur la souveraineté ; ou éventuellement en titre VI après les différents titres relatifs aux pouvoirs exécutif et législatif et juste avant le titre sur les traités internationaux). À la marge, un positionnement du titre qui nous retient après l’actuel titre VI consacré au droit international public pourrait trouver son sens. Ce titre VI porte en effet sur le droit international « général », alors que le titre VII (sur l’Union européenne) apparaitrait commune lex specialis de ce droit ; un sous-système spécifique en soi comme cela a été précisé plus haut mais dont le fondement initial reste toutefois conventionnel. On glisserait ainsi de l’un à l’autre dans une cohérence à la fois formelle et matérielle. Ce maintien de l’architecture du titre XV n’empêche pas l’ambition de renforcer l’intégration européenne dans la Constitution, en rénovant les articles qui le composent. L’article 88-1 pourrait ainsi être réécrit pour faire mention plus sobrement de la participation de la France à l’Union « en vertu des traités constitutifs », en ne faisant plus mention spécifiquement du traité de Lisbonne. Une clause de « garde-fou » pourrait être introduite concernant les révisions ultérieures des traités, en prévoyant une condition de ratification du traité par une majorité renforcée au Parlement en cas d’atteinte à la souveraineté. Dans le même temps, il conviendrait de renforcer l’attachement de la France à l’Union en ajoutant une mention à l’article 1er de la Constitution. Le contenu de l’article 88-2 pourrait quant à lui faire l’objet d’un transfert à l’article 34 de la Constitution puisque les règles de fonctionnement du mandat d’arrêt européen auquel il fait référence relèvent du domaine de la loi. A la place on pourrait envisager d’inscrire dans cette disposition, sur le modèle finlandais, une référence à l’autorité exécutive représentant la France au Conseil européen. En effet, à ce jour, c’est la pratique et non la Constitution qui veut que ce soit le Président de la République – et non le Premier ministre – qui siège au Conseil européen hors des périodes de cohabitation (où ce sont les deux têtes de l’Exécutif qui siègent ce qui pose problème en cas de positions divergentes). Concernant la détermination de l’entité compétente, à titre de comparaison on observera que l’article 66 de la Constitution finlandaise mentionne que le premier ministre, qui « préside le conseil des ministres » (alinéa 1), « représente la Finlande au Conseil européen » (alinéa 2). En France, le Conseil des ministres étant présidé par le président de la République, il pourrait sembler opportun de mentionner qu’il représente la France au Conseil européen sauf en période de cohabitation où cette fonction pourrait être dévolue au Premier ministre. L’article 88-3 serait quant à lui amendé afin d’ouvrir le droit de vote des citoyens européens résidant en France à toutes les élections locales et élargir l’éligibilité pour ces différentes élections, dans une optique de renforcement de la dimension politique de la citoyenneté européenne. Cette réforme pourrait s’accompagner d’une rénovation parallèle de l’article 3 de la Constitution concernant le corps électoral. Les articles 88-4, 88-6 et 88-7 seront également modifiés afin de permettre au Parlement de renforcer sa participation à la conduite des affaires européennes, par l’intermédiaire d’une séance de questions au Gouvernement à l’issue de chaque Conseil européen, d’un droit de saisine étendu de la Cour de justice de l’Union pour contester la légalité des actes de l’Union ou encore d’un contrôle renforcé des positions défendues par la France au sein des institutions. Dans cette perspective de rénovation du titre XV, l’article 88-5 resterait quant à lui inchangé. 

3. Les effets escomptés et leur justification

Le principal intérêt d’une réécriture du titre XV réside dans le renforcement de la place de l’Union au sein de la Constitution française. À certains égards, les évolutions proposées peuvent apparaître comme symboliques ou cosmétiques, mais cette mise en avant de la participation de la France à l’Union souligne son implication dans le processus d’intégration européenne, d’autant plus qu’il s’agit d’un État fondateur de l’ancienne Communauté européenne devenue l’Union. Au-delà de considérations d’affichage, certaines évolutions proposées ont de réelles implications susceptibles d’améliorer les dispositions institutionnelles en lien avec l’Union. La disparition de la mention particulière du traité de Lisbonne au profit d’une référence antidatée aux traités constitutifs de l’Union a par exemple autant pour effet d’inscrire la participation de la France à l’Union dans la durée que d’éviter les révisions constitutionnelles en cas de révision future des traités sur l’Union. Autrement, les autres évolutions proposées ont vocation à faciliter, intégrer et renforcer les prérogatives du Parlement en matière européenne. D’une part, il convient de donner de nouvelles prérogatives de contrôle du Parlement vis-à-vis de l’action de l’exécutif, afin de l’impliquer davantage dans les positions défendues par la France dans les institutions de l’Union, par l’intermédiaire du Président de la République au Conseil européen ou par l’intermédiaire des ministres au Conseil de l’Union. Cet élément s’inscrit d’ailleurs dans la perspective de rééquilibrage des relations entre les pouvoirs exécutif et législatif défendu dans d’autres scénarios au sein du GRECI. D’autre part, il convient de permettre au Parlement de tenir un rôle actif dans la conduite des affaires européennes, soit par le dialogue avec le Gouvernement, soit de manière autonome en contrôlant les actes juridiquement contraignants adoptés à l’échelle de l’Union. Cet élément peut également s’inscrire dans les scénarios ayant vocation à renforcer le poids institutionnel du Parlement, qui se retrouve également dans différents scénarios développés au sein du GRECI. 

Formellement, la proposition consiste donc à réécrire le titre relatif à l’Union européenne de la manière suivante :

Article 6

Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.

Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.

Les modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique.

Article 6

Le Président de la République est élu pour sept ans au suffrage universel direct.

Nul ne peut exercer plus d’un mandat consécutifs.

Les modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique.